Bastiè, Jean; Dérzet, Bernad.
Urbanisme et patrimoine conservation et réhabilitation ou renovation
En La ville. Masson, Paris, 1991. p.349-359.
 
 
 
Urbanisme et patrimoine: conservation et réhabilitation ou rénovation
 
C'est tout le problème de l'immuabilité, du degré et du rythme de renouvellement du cadre urbain. Rarement celui-ci se maintient indéfiniment à l'identique dans son état originel. Il vieillit, les immeubles sont plus ou moins bien entretenus. Il y a toujours une certaine évolution, un certain degré de transformations secondaires, additions, destructions. La patine du temps intervient aussi.
Le rythme de vieillissement est fonction de la qualité de la construction au départ, de l'évolution des besoins et des goûts, du degré d'entretie n. Qui décidera de ce qui doit être démoli ou conservé? et en fonction de quels critères ? Quelle doit être la durée moyenne de vie des bâtiments ? Il en peut y avoir que des cas d'espèce. Et à partir de quel moment, la réorganisation d'un espace urbain devenu inadapté exigera-t-elle la démolition complète ? Certains bâtiments, âgés de 25 ans à peine, sont démolis alors que tout est fait pour en conserver d'autres plusieurs fois centenaires.
Le terme de « rénovation » en urbanisme n'est pas très satisfaisant. En effet, i1 signifie destruction ou démolition, suivies de reconstruction. Il s'applique surtout aux opérations volontaires portant sur une certaine superficie et dont le périmètre a été choisi. On dit alors qu'il s'agit d'un îlot ou secteur de rénovation. Mais par extension, on peut l'appliquer aussi à l'ensemble des opérations diffuses, le plus souvent d'initiative privée, ainsi qu'à la reconstruction imposée par des événements fortuits. L'inverse c'est la conservation qui nécessite quand même quelques travaux et que l'on appelle souvent pour cela « restauration » ou « réhabilitation ». Si ces travaux sont plus importants et comportent des démolitions de bâtiments secondaires, on parlera de « curetage ». Le « remodelage », on dit parfois restructuration, est à mi-chemin entre la conservation et la rénovation.
Le cadre urbain ne reste pas et ne peut rester indéfiniment figé. Un certain renouvellement du parc immobilier, une certaine réadaptation de l'organisation de l'espace, de la trame et des équipements urbains sont nécessaires. Bien des immeubles mal entretenus ne peuvent plus être restaurés, leur qualité est médiocre, leur absence d'intérêt architectural ne le justifie pas. S'il s'agit d'immeubles d'habitation, ils ne possèdent aucun confort; s'il s'agit d'immeubles consacrés à des activités, ils ne sont plus fonctionnels. Leur transformation n'est pas possible ou n'est pas rentable. Le quartier manque d'équipements, d'espaces verts, la circulation et le stationnement y sont difficiles. Des perspectives de plus-value importante, surtout si l'immeuble est bien situé par rapport au centre ou par rapport au réseau de circulation, poussent les propriétaires, les promoteurs, les entreprises du bâtiment et des travaux publics à démolir pour reconstruire. Les pouvoirs publics laissent faire ou encouragent ou prennent l'initiative, en considérant que cette rénovation est conforme à l'intérêt public ou qu'elle sert le prestige des autorités : maire, gouverneur, souverain ou chef d'État.
Mais ce cadre et ce parc immobilier représentent des investissements anciens considérables, leur rénovation va en exiger encore d'autres. Souvent ils font partie du patrimoine historico-architectural et culturel de la ville et du pays. Ils ont acquis une valeur symbolique. Les habitants surtout les plus anciens et les plus âgés, ainsi que l'opinion publique, parfois internationale dans une ville de grande renommée, y sont attachés. Jouent aussi les habitudes, le désir de ne pas déménager, la crainte des bouleversements. Certains propriétaires et commerçants peuvent même considérer qu'ils ont intérêt à s'opposer à cette transformation. Aussi un rapport de forces s'établit-il, mais souvent les partisans du changement l'emportent, même si c'est avec retard. Toutefois, ceci ne joue pas pour la rénovation imposée par des circonstances fortuites : guerre, tremblement de terre, etc. Quant à la rénovation spontanée et diffuse, immeuble par immeuble, toujours possible, les règlements d'urbanisme et la nécessité d'une opération financièrement équilibrée imposent des contraintes.
 
Les types de rénovation
La rénovation imposée à la suite de destructions involontaires prend plutôt le nom de reconstruction. Les circonstances fortuites peuvent être :
- un incendie: Londres (1666), Chicago (1870), mais il n'y a plus aujourd'hui d'incendie à l'échelle d'une ville ou même d'un quartier ;
- un tremblement de terre : Raguse devenu Dubrovnik (1667), Lisbonne (1755), San Francisco (1906), Tokyo (1923), Skoplie (1965), Tachkent (1966) ;
- une guerre ; ce sont les deux dernières guerres mondiales, la Seconde surtout, qui ont détruit les villes à 80 et 90 % ou tout au moins leur centre, par exemple en France : le Havre, Saint-Malo, Maubeuge ; aux Pays-Bas : Rotterdam ; en Grande-Bretagne : Coventry, Londres, etc. ; en Allemagne : Berlin, Francfort, Dresde ; en Pologne : Varsovie ; en Hongrie : Buda ; en U.R.S.S. : Stalingrad ; au Japon : Hiroshima.
La reconstruction s'effectue souvent « à l'identique » lorsque tout un peuple veut se retrouver dans son passé ; c'est l'exemple de Varsovie ou encore de Nuremberg, Leningrad ou Tolède. Mais aussi lorsqu'il s'agissait avant la destruction d'un ensemble typique et bien conservé, et c'est alors l'exemple de Saint-Malo. À Varsovie, dans la vieille ville médiévale, mais dont la plupart des maisons dataient des XVIIe et XVIIIe siècles, on a méticuleusement reconstitué tous les immeubles, tout en éliminant les restes de constructions sans valeur. Du coup, les fonctions de nombreux immeubles ont changé et ce quartier autrefois à population pauvre est devenu un centre touristique autour de la place du vieux marché. On peut aussi, mais c'est plus rare, ne pas reconstruire volontairement pour des raisons politiques et symboliques, comme par exemple l'ancien quartier des ambassades à Berlin-Ouest, jusqu'à ce jour. Quant à l'espace du mur, de dissuasif, depuis sa démolition et en raison de sa situation, il est devenu attractif.
Les reconstructions ou reconstitutions historiques sont particulièrement longues et coûteuses, parce que les opérations ne peuvent être ni standardisées, ni mécanisées. Elles ne peuvent être réalisées qu'avec la participation de l'État mais peuvent être rentables à long terme par le développement des activités touristiques, de spectacles, de loisirs, artisanales.
Dans d'autres cas, l'intérêt de ce qui a été détruit ne justifie pas la et reconstruction à l'identique et on peut au contraire profiter des destructions ne pour effectuer un remembrement des parpell, créer une nouvelle trame urbaine, un nouvel urbanisme. C'est le cas des centres du Havre, Rotterdam, Kassel, et Plymouth. Par contre, on peut conserver à peu de choses près, le plan ancien lie comme à Hiroshima ou Francfort. Remembrement et transformation du plan posent de très complexes problèmes juridiques de transfert de propriété souvent résolus par la création d'une association syndicale de propriétaires.
La reconstruction de Maubeuge s'est inspirée des principes suivants : abandon des anciens tracés, augmentation de la surface des îlots, priorité pour des emplacements donnés aux services publics, diminution de la surface construite au sol, îlots ouverts sans cours fermées, construction par blocs d'immeubles, diffusion généralisée d'espaces verts.
La rénovation volontaire des centres de grandes agglomérations est une des entreprises dŽurbanisme les plus difficiles qui soit. En effet, le centre est la partie la plus dense, la plus active, la plus chère et gêner son fonctionnement pendant une longue période pour le transformer soulève de nombreux problèmes. C'est pourtant le choix qui a été fait par exemple à Philadelphie, San Francisco, Montréal, Stockholm, Liverpool, etc.
Philadelphie a utilisé l'espace occupé par des voies de chemin de fer qui traversaient le centre de part en part; elles ont été recouvertes et transformées en métro. Le plan en damier a été conservé et le vieux City Hall, au carrefour principal, continue à dominer le centre de la ville. Des voies se détachent des rocades autoroutières pour aboutir à d'importants parkings en hauteur ou en sous-sol. Des trolleybus circulent sur les chaussées interdites aux automobiles. On a créé des espaces verts et des voies piétonnières en-dessus et en-dessous du niveau du sol avec accès aux magasins. Le zoning est appliqué avec une certaine souplesse qui laisse parfois subsister côte à côte des utilisations différentes. Enfin, 500 maisons datant des xviiie et xixe siècles ont été remises en état.
À Stockholm, le quartier central entre Hotorget et Sergelstorg a fait l'objet d'une rénovation totale avec parking souterrain, allée piétonnière, commerces sur deux niveaux, galeries et passerelles à piétons, tours de 18 étages.
Ces cas de rénovation volontaire du centre sont plus fréquents en Amérique du Nord qu'en Europe. Le pourrissement du centre (blight areas), abandonné tuéà la population de couleur ou aux pauvres Blancs puis lieu d'opérations de rénovation, s'observe aussi dans les villes d'importance moyenne comme Lancaster en Pensylvanie (53 000 hab. mais l'agglomération en a 200 000), ou Hartford dans le Connecticut (50 000 hab.). Ici la rénovation est très largement avancée. Jacqueline Beaujeu-Garnier l'explique par le fait qu'en Amérique du Nord les centres se sont beaucoup plus rapidement et fréquemment dégradés qu'en Europe.
Peu à peu, les pouvoirs publics se sont intéressés au redéveloppement des centres. En Europe, les centres sont restés plus habités et plus vivants, mais certains symptômes de crise apparaissent et les conditions de rénovation apparaissent plus difficiles qu'en Amérique du Nord.
La rénovation peut volontairement concerner aussi des quartiers plus ou moins éloignés du centre. Tout d'abord, pour la création d'un second centre como par exemple à Hambourg, Bruxelles, Milan, Lyon, Rouen et même Paris. A Hambourg, il s'agit dŽun centrè dŽaffaires situé à 5km dé l'ancienne city. A Bruxelles, au nord de la gare du Nord, c'est le World Trade Center , à Milan, il est assez proche de l'ancien, au nord de la seconde rocade. A, c'est la réalisation de la Part-Dieu, à 3 km du coeur de la ville ; à Rouen il s'agit, avec Saint Sever, de munir la rive gaùche dŽun quŽelle nŽavait pas.
A Paris, l'opération la Défense (zone A) n'a pas été autre chose au départ qu'une rénovation effectuée dans le but de réaliser un second centre d'affaires. Tandis que l'opération des Halles a été au départ une rénovation uniquement destructrice et négative: on a démoli sans trop savoir ce que l'on mettrait à la place. La suppression des pavillons de Baltard a soulevé bien des protestations sans parler de l'architecture du centre Beaubourg. Pourquoi n'aurait-on pas logé les activités de Beaubourg sous les pavillons de Baltard réaménagés ?
La rénovation peut aussi concerner des quartiers hors du centre renfermant des immeubles d'habitation particulièrement vétustes et des bâtiments industriels. Elle est alors le plus souvent due, en France, à l'initiative des pouvoirs publics ; ce sont les îlots dits rénovation par exemple à Paris, où il y en a eu il 27 qui avaient été délimités en tant qu'îlots insalubres dès avant 1914. Dans les uns, on a reconstruit essentiellement des logements : Saint-Gervais (IV'), Deux Moulins (XIlle) , Bièvre-Glacière (XIVe), les Hauts-de-Belleville (XXe); dans d'autres on a reconstruit aussi des bureaux et des hôtels Maine Montparnasse, avenue d'Italie, le front de Seine, gare de Lyon-Bercy. Enfin, la rénovation urbaine volontaire peut concerner de vieux noyaux de communes de banlieue comme autour de Paris: Saint-Denis, Sèvres, Viroflay, Saint-Cloud, Ivry, Vitry, Choisy-le-Roi, Montreuil, Bagnolet, Saint-Gratien et bien d'autres communes.
À Londres, ce fut la construction des Housing estates, surtout dans East End et au sud de la Tamise, souvent à la place des terrace house, maisons jointives d'un étage en briques du XIXe siècle, réalisations dues soit aux municipalités ou boroughs, soit au London Country Council, soit à leur collaboration.
La rénovation des installations portuaires et des docks, des fronts de mer ou waterfronts, se répand en raison de la chute des tonnages transportés par mer, des nouvelles méthodes de manutention, notamment le conteneur, du recul des industries lourdes portuaires. Tous les ports, de la côte nord-est de l'Amérique du Nord, de Baltimore à Halifax en passant par Boston, connaissent des opérations de ce type mais sans nul doute la plus importante de toutes est celle des docklands de Londres qui concerne 2 000 hectares. Bureaux et logements de luxe, hôtels, équipements de loisirs et de tourisme, remplacent des entrepôts désuets. On a même mis en service, entre deux darses, un aéroport d'affaires pour avions à atterrissage court mais relativement proche de la City. Liverpool et Manchester imitent Londres.
On démolit même aujourd'hui dans les grands ensembles hâtivement construits, des immeubles, barres ou tours mal entretenus, qui ont à peine un quart de siècle. Et pour diminuer le coût de la destruction, faire plus vite, on les fait imploser avec des explosifs comme aux 4 000 à la Courneuve. Économiquement, il n'est pas sûr que mieux construits et plus durables, l'opération n'ait pas été plus rentable.
La rénovation individuelle ou privée spontanée et diffuse, au sens de démolition suivie de construction, est la moins spectaculaire mais quantitativement, elle peut être très importante, ce qui est le cas à Paris. Durant un quart de siècle (1954-1978), on peut estimer qu'en m' de plancher, elle a représenté environ les deux tiers des transformations de Paris, un peu moins en démolitions, davantage en constructions. On a démoli de ce fait près de 7 millions de m2 de plancher et on en a construit près de 20, ce qui représente huit à neuf fois l'opération la Défense. La superficie des logements a augmenté de 17 %, celle des bureaux de 22 % mais celle des industries a reculé de 28 %. Ces opérations diffuses ont concerné très peu les dix premiers arrondissements, ceux du centre, mais essentiellement ceux de la périphérie. Cette rénovation s'observe aussi, à Paris comme à Londres, dans les quartiers d'affaires : à Paris, le VIlle arrondissement et ses bordures, à Londres, Easton Road, Barbican, Victoria Street. Cette rénovation diffuse ne change pas la structure urbaine, ne modifie le paysage que peu à peu, mais entraîne une densification et une saturation des équipements, des substitutions d'activités et de population résidente.
 
Les problèmes de la rénovation
Qu'elle soit imposée par les circonstances ou délibérée, la rénovation urbaine pose dans l'ensemble les mêmes problèmes. Toutefois, la rénovation délibérée pose un problème préalable, qui est celui dit de la libération du sol. La majeure partie de ce sol appartient bien souvent à des particuliers qui ne sont pas toujours désireux de voir démolir leur immeuble ou qui n'ont pas les capitaux nécessaires pour reconstruire un bâtiment neuf. D'autre part, il faut souvent pouvoir simplifier le parcellaire afin que le maître d'oeuvre ait la possibilité de réaliser le projet d'urbanisme qu'il a choisi.
Tout ceci n'est possible que si le promoteur se rend propriétaire de la plus grande partie du sol, par expropriation si cela ne peut se faire à l'amiable. En France, depuis 1953, la liste des bénéficiaires du droit d'expropriation a été élargie aux sociétés d'économie mixte et d'H.L.M. et, depuis 1968, les pouvoirs publics peuvent céder de gré à gré à un promoteur un terrain exproprié. La libération du sol comporte aussi l'indemnisation des commerçants à moins, ce qui est rare, qu'un local équivalent ne leur soit assuré une fois la rénovation terminée , enfin elle inclut le relogement ou le dédommagement des locataires et la démolition. Le prix de revient du M2 de sol libéré dépasse largement son prix d'achat.
La rénovation repose sur le choix d'un parti fonctionnel et urbanistique quelle part réserver à la voirie, aux services publics, aux espaces verts, aux logements, aux activités ? et de quelle nature ? Tout est conditionné par l'équilibre financier de l'opération. La plupart des opérations sont déficitaires, des subventions des pouvoirs publics sont nécessaires, mais elles en sont pas illimitées. Si l'opération dure, les intérêts élevés des capitaux immobilisés, investis avant toute revente ou utilisation, alourdissent le bilan. L'organisme promoteur cède des terrains, en incluant dans leur prix le coût des équipements. Tout ceci augmente la charge foncière. À Paris, il n'y a qu'une seule opération qui ne soit pas déficitaire : celle du front de Seine dans le XVe arrondissement, mais avec quelle architecture et quelle densité !
En général, la rénovation d'un îlot s'effectue par secteurs, ce qui peut faciliter le relogement des anciens habitants par des opérations dites « à tiroir ». Les problèmes humains à résoudre sont les plus délicats : relogement, surtout des personnes âgées, artisans, commerçants dont les activités doivent cesser ou au moins être suspendues, réinstallation une fois l'opération terminée avec des loyers beaucoup plus élevés qui nécessitent des allocations compensatrices.
Il y a presque toujours substitution de population et d'activités, même si l'opération prévoit des logement H.L.M. En général, la nouvelle population est plus aisée, plus jeune et moins nombreuse. Les cas d'augmentation de la population et de la densité sont rares, même si le nombre de logements, de pièces, et de n.12 de plancher s'accroît ; on dit qu'il y a desserrement. Toute opération a des effets au-delà de son périmètre. Toute une couronne autour d'elle bénéficie des équipements, qui ont été réalisés dans le secteur rénové, mais il faut du temps avant que le paysage de ce secteur s'intègre dans son environnement urbain. Nous ne savons pas encore donner au neuf la patine du temps.
 
La conservation ou réhabilitation
Certains quartiers, par leurs monuments, leurs vieux immeubles, leur trame, leur situation dans la ville, ce qu'ils symbolisent, même s'ils se sont momenta nément « taudifiés », ontalité, une valeur exceptionnelle; c'est un « patrimoine » architectural et culturel dont l'opinion publique prend peu a peu conscience. Nous serions incapables de les refaire tels quels. C'est le cas des quartiers du Marais et de Montmartre à Paris, mais aussi des vieux centres d Aix-en-Provence, de Dôle, de Sarlat, du quartier de la Balance à Avignon, du quartier Saint-Jean à Lyon. À l'étranger, le cas plus mondialement connu est celui de Venise, mais on peut citer aussi Florence et tant de villes italiennes, Bruges, Amsterdam, Prague avec en particulier le quartier de Mala Strana au pied du Château. Même à Pékin, on se préoccupe aujourd'hui de conserver les vieux quartiers.
Il faut trouver des utilisateurs qui puissent supporter la charge de la restauration, puis de l'entretin de viéux immeubles architecturalement intéressants mais non fonctionnels. Tous les pays ont pris conscience de l'intérêt pour eux de conserver, de sauvegarder les ensembles historiques et de les réhabiliter ou -reconstituer si nécessaire. La notion s'est peu à peu élargie : tout monument n'est rien sans son environnement et il faut aussi prévoir le raccordement de ce qui est maintenu avec ce qui l'entoure. On parle aujourd'hui de périmètres de protection, d'ensembles historiques, de sites urbains, de conservation intégrée c'est-à-dire d'harmonisation de l'ancien et du nouveau. La notion d'ancien s'est elle aussi élargie; elle inclut aujourd'hui les réalisations architecturales les plus typiques des XIXe et XXe siècles. En général, on respecte le plus possible le tracé de la voirie et le parcellaire , les bâtiments sont restaurés comme ils étaient auparavant et l'on démolit les adjonctions utilitaires, faites par la suite. On reconstitue les espaces verts. Selon l'importance des travaux, on parlera de réhabilitation légère si le gros Ï uvre est peu touché, ou lourde.
Certains bâtiments anciens ne peuvent être conservés que par un déplacement ou un pivotement comme le palais des Lubomirski à Varsovie. Parfois, certains immeubles en trop mauvais état ou complètement détruits doivent être remplacés.
Ils sont reconstruits à l'identique, mais il est parfois difficile ou impossible de retrouver les matériaux nécessaires, et alors leur architecture moderne doit pouvoir s'intégrer dans l'ancien comme rue Uri dans le vieux Buda. Les problèmes de circulation ne sont résolus que par lŽinterdiction de lŽautomobile, la création de rues piétonnes et l'établissement de parking à la périph. Toutes les fonctions primitives: logement, artisanat et petites industries, commerces, ne peuvent être rétablis et des substitutions s'effectuent. En particulier, se développent dans ces quartiers des activités culturelles et de loisirs ou liées au tourisme.
Le succès de toute l'opération repose en grande partie sur la collaboration des habitants et l'appui de l'opinion publique. Il faut mettre en place des modalités et procédures complexes juridiques et financières. En général, le bilan est très déficitaire de puisquŽon ne densifie pas, et à la charge des pouvoirs publics qui en contrepartie demanderont un droit de regard sur l'utilisation et les prix, parfois une copropriété. Les pays du tiers-monde manquent le plus souvent des moyens nécessaires pour effectuer de telles opérations dans leurs médinas, bazars et quartiers anciens.
Le souci de conservation du cadre urbain s'est élargi aujourd'hui à une grande partie de l'habitat ancien sous le nom de réhabilitation. L'entretien du parc immobilier ancien est très variable selon les pays. Il se fait bien mieux dans es pays anglo-saxons, scandinaves ou germaniques dans les pays latins ou en Europe orientale. Or, on s'est aperçu que les vieux immeubles sans confort pouvaient ne pas être systématiquement démolis. Ils représentent des investissements importants, bien souvent plus d'originalité et de diversité car plus conformes à l'architecture nationale et régionale, que les bâtiments neufs qui les remplaceraient , ils sont davantage à l'échelle humaine. Leur réaménagement interne, l'introduction du confort peut en faire des locaux parfaitement utilisables et ceci au moindre coût. Mais des loyers trop faibles n'incitent pas les propriétaires à entretenir leurs immeubles.
Il a été créé en France en 1970 une Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat (A.N.A.H.). Elle encourage la réhabilitation par des subventions et des prêts aux propriétaires ainsi que par des opérations-pilotes. Cette politique est beaucoup plus ancienne en Grande-Bretagne. Toutefois, à Paris, les pouvoirs publics ont imposé, depuis 1962 (loi Malraux), le ravalement périodique des façades.
Certains pays comme lŽItalie, lŽEspagne et même la France, certaines villes, sont si riches en monuments et bâtiments anciens quŽil leur est dfficile,en raison du coût, de conserver, entretenir, rehabiliter tout ce qui le mériterait. Un problème analogue se pose par suite de la richesse archéologique du soussol par exemple à Rome , ce qui constitue une gêne considérable pour les grands travaux. Par ailleurs, on ne peut multiplier les logements de luxe, les centres culturels ou de congrès, les quartiers uniquement pour touristes.
La conservation ou réhabilitation maintient en général un urbanisme plus intime, ne perturbe pas les habitudes, peut mieux permettre que d'autres solutions de maintenir en place la majeure partie de la population avec un confort accru et de meilleures conditions de vie. Si les coûts sont maintenus à un niveau raisonnable, elle n'est pas traumatisante.
Le désir de conserver les témoignages architecturaux s'étend aujourd'hui aux bâtiments industriels anciens, usines et entrepôts, ce que l'on appelle l'archéologie industrielle. Il s'agit d'une architecture en général de qualité, réalisée avec des techniques anciennes, mais éminemment fonctionnelle pour son époque et non dépourvue d'éléments décoratifs, par exemple des arsenaux.
 
Conclusion
La généralisation d'une politique de réhabilitation nécessiterait une certaine reconversion de l'industrie du bâtiment qui au lieu de fabriquer des logements standardisés á la manière dŽautomobiles, devrait se rendre apte à effectuer un grand nombre de réhabilitations, mais elle demanderait aussi la mise en place de meilleures procédures de financement et une augmentation des loyers. Et la réhabilitation peut être parfois aussi coûteuse que la construction neuve.
La période des grandes rénovations qui ont suivi la dernière guerre et dont beaucoup ont été imposées par ses destructions puis par la progression foudroyante de la circulation automobile, semble révolue. On s'est rendu compte que même les équipements les plus importants - autoroutes d'accès, parkings, - pouvaient connaître la saturation, qu'ils incitaient à l'usage croissant de l'automobile et que le centre en attirait de plus en plus, au fur et à mesure que l'agglomération s'étendait.
Par ailleurs, on attache de plus en plus de valeur au patrimoine architectural et immobilier légué par les siècles passés. La rénovation se heurte de plus en plus à des résistances. Elle était bien souvent gaspillage d'un capital qui pouvait encore servir. La restauration et la réhabilitation devraient devenir de plus en plus importantes, partout où la conservation est possible, surtout dans une période de ralentissement de la croissance, d'économie de l'énergie et des matières premières.
Mais il faut évidemment veiller à ce que la participation de l'État ou des collectivités locales au financement des opérations de rénovation ou de réhabilitation ne se fasse pas uniquement au profit des plus favorisés en mettant à leur disposition des logements bien situés, agréables, à des prix de vente ou locatifs élevés, mais inférieurs à leur prix de revient réel global, y compris la valeur du sol.
Sur un plan économique général, il nŽest pas sûr que la substitution d'une politique de conservation et de réhabilitation à des démolitions et rénovations intensives, représenterait des coûts bien moins élevés, ceci au moins dans un premier temps, surtout dans les pays où le parc immobilier a été mal entretenu. Mais à plus long terme, et dans des perspectives de stagnation démographique, de ralentissement de la demande de logements, des économies effectuées de ce fait par rapport à la construction neuve pourraient permettre une autre affectation des investissements ; par exemple au profit d'équipements collectifs, dŽespaces verts, de lŽamélioration du cadre de vie ou socio-culturel.
 
 
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